Le story map, vous n’en avez jamais entendu parler ? Vous pensez que c’est une méthode pour se rappeler de tous les arbres généalogiques de Game of Thrones? Ou bien une méthode pour lire un livre plus vite ?

Si vous êtes dans ce cas et que vous souhaitez connaître sa véritable définition, vous êtes au bon endroit. Le story map, dit aussi story mapping, va raconter l’histoire du parcours utilisateur au travers de user stories qui vont chacune décrire une fonctionnalité.

Le story map consiste à classer les user stories selon deux dimensions indépendantes:

  • Un axe horizontal qui classe les user stories par ordre de priorité approximatif qu’on appellera axe narratif
  • Un axe vertical qui précise plus en détail le contenu de chaque user story en listant les actions nécessaires pour réaliser la user story affichée en haut de chaque colonne. Chaque colonne est associée à un ou plusieurs types d’utilisateurs en charge de la user story.

Voilà un exemple de story map. En prenant notre axe narratif et en le lisant de gauche à droite (post-its verts) on est capable de raconter une histoire de l’utilisation de notre produit. En lisant les activités des user stories (post-its jaunes) du haut vers le bas, on obtient plus de détails sur chaque user story. Tout en haut du tableau, on voit les types d’utilisateurs (post-it gris).

Avec un story mapping ainsi organisé, la première rangée horizontale représente un « squelette », une version nue mais utilisable du produit. En travaillant avec des rangées successives, on étoffe le produit avec des fonctionnalités supplémentaires.

Le story mapping a été introduit pour la première fois en 2005 par Jeff Patton, puis approfondi dans l’article “The new user story backlog is a map” qu’on vous invite à lire ici.

Maintenant que la théorie du story mapping n’a plus de secret pour vous, nous vous proposons un atelier afin de mieux comprendre en pratique comment réaliser un story mapping.

Nous allons introduire un contexte à partir duquel nous allons travailler:

Nous sommes au 21e siècle aux États-Unis et probablement encore sous le règne de Mr. Donald Trump himself. Pedro, notre héros, est un homme honnête récemment arrivé aux États-Unis avec sa femme et ses enfants, une fille de 6 ans et un garçon qui vient de naître. Il est jardinier et il n’a jamais eu l’occasion ni le besoin de savoir conduire. De plus, il est écolo et il préfère son vélo. Un beau jour, enfin pas si beau que ça, sa fille tombe gravement malade. Une fois chez le médecin, il comprend que pour guérir il lui faudra passer beaucoup de temps à l’hôpital et lui procurer des médicaments très chers. La sécurité sociale étant inexistante aux États-Unis, il a besoin de trouver rapidement une grosse somme d’argent. Les banques refusent de lui prêter de l’argent au vu de sa situation d’immigré sans le sou. Ses amis sont encore plus pauvres que lui et ne peuvent rien faire pour l’aider. Par l’intermédiaire d’une de ses connaissances il rencontre quelques personnes qui proposent de lui prêter de l’argent avec un pourcentage d’intérêt plus élevé que celui des banques. N’ayant pas de meilleure solution, Pedro accepte. Mais ce que Pedro ne sait pas, c’est qu’il vient de conclure un prêt avec la mafia. Tout le monde sait qu’emprunter de l’argent à la mafia c’est signer son arrêt de mort dans le cas où l’on ne rembourse pas… Malgré tous ses efforts, Pedro ne parvient pas à rembourser la somme empruntée. La mafia lui laisse une « chance » : voler une banque. Et il ne peut qu’accepter, entre voler une banque et voir mourir ses enfants son choix est fait ! Le jour J, à la banque, il arrive tout tremblant devant le guichet. Il pointe son pistolet sur la guichetière et lui demande : “Tout l’argent que vous avez, s’il vous plaît”. Quand soudain, il entend un coup de feu au loin. Il se rend rapidement compte que la police a cerné le bâtiment, et que le coup de feu c’était pour abattre son complice, le chauffeur. Tous les issues sont bloquées par la police. Il se rend sans résistance. Pedro se retrouve à la prison d’Alcatraz et il n’a qu’un but en tête : “Vivre heureux pour toujours avec sa famille”.

Maintenant que le contexte est posé, tous les participants sont invités à poursuivre l’histoire pour aider notre ami Pedro à atteindre son but. Pour cela, toutes les étapes pour arriver au but feront l’objet d’un story mapping.

Nous vous conseillons un facilitateur par équipe de 3 à 10 personnes. Chaque facilitateur aide les participants à définir d’abord le squelette, puis approfondir chaque sujet pour ajouter les détails et les actions nécessaires. Le facilitateur peut en profiter pour introduire la notion de stories, task, personae ainsi que les dépendances entre les tâches.

Une possibilité de story map pour ce sujet peut être la suivante :

Enfin, le facilitateur peut aider les équipes à s’organiser sur les différentes étapes (releases). Petite attention particulière, pour réussir à définir correctement chaque release, il faut bien insister sur les dépendances entre les différentes étapes et l’importance d’une chronologie cohérente, les actions extérieures bloquantes, l’importance de chaque action et le nombre de tâches que l’on est capables de faire dans chaque release.

Chaque release doit être visualisée comme un ensemble de tâches qui peuvent être réalisées en parallèle et qui doivent être finies à la fin de la release.

La plus grande difficulté du facilitateur au cours de cet atelier sera d’orienter les participants pour qu’ils créent le squelette de départ. Ces derniers auront tendance à se concentrer sur des tâches trop précises ou au contraire trop larges. N’hésitez à guider les participants à trouver la user story associée à une tâche jugée trop précise, ou à découper une tâche jugée trop large. Dans le premier cas, une question comme “pour quelle raison vous voulez faire ca? ” aide le groupe à remonter à une user story et rester dans le squelette. Dans le second cas, demandez si la tâche ne peut être découpée en plusieurs étapes.

Une autre difficulté sera d’éviter que les participants optent pour des solutions trop simples comme “faire ses années de prisons” ou “faire appel” qui n’amènent pas à créer une story map. Voici quelques règles que vous pouvez imposer pour éviter les solutions simples:

  1. Vu ses origines et la gravité de son acte, Pedro est condamné à 4 fois la prison à vie, il lui est donc impossible d’espérer atteindre son but en purgeant sa peine
  2. Le travail en prison n’est payé que 2$/mois, il lui faut donc trouver un autre moyen de financement
  3. Il n’est pas simple d’acheter les gardiens de prison qui demandent beaucoup d’argent
  4. Toutes les communications téléphoniques sont surveillées
  5. Prenez la décision de supprimer une ou deux solutions afin d’ajouter un peu de dynamisme
  6. En prison tout peut s’acheter et l’argent est roi
  7. Pedro est autorisé à recevoir des visites conjugales
  8. Invitez les participants à challenger leurs idées et supprimez les idées qui ne sont pas acceptées par tout le groupe

Pour conclure, il faut rappeler les notions introduites pendant l’atelier et parler ensuite des vrais apports du story mapping. Voici une liste non exhaustive :

  • Gérer les priorités dans votre backlog
  • Partager la même vision entre tous les participants
  • Disposer et hiérarchiser les activités et les détailler pour les découper en différentes tâches

Pour aller plus loin dans votre réflexion sur les story mappings, nous vous conseillons le fameux livre de Jeff Patton :

User Story Mapping by
Jeff Patton